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Influence coloniale et historique : l’évolution agricole de la Famille Hurtubise

01 Août 24
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Écrit par Inès Marchand

En 1699, en Nouvelle France, Louis Hurtubise acquit des terres afin de les cultiver et transformer sa famille en une famille de fermiers. Depuis, les Hurtubise ont prospéré, leur richesse surpassant celle des familles voisines et autres agriculteurs dans la région à l’époque. Cette prospérité est encore visible aujourd’hui à travers l’architecture et composition de la Maison Hurtubise de Westmount. L’agriculture de la famille Hurtubise aura évoluée au fil du temps, traversant différentes phases correspondant aux différentes phases agricoles observées au Québec entre 1600 et 1910.

Au début des années 1600, avec l’arrivée massive des colons français, l’agriculture devint leur principale occupation, à l’exemple de Louis Hébert, premier colon agriculteur en Nouvelle France. Les principales céréales cultivées étaient le maïs, le blé, les pois et autres céréales diverses. Tout au long du siècle, l’agriculture et la colonisation furent encouragées. Jean Talon introduisit également la culture du chanvre ainsi que l’élevage de bétail en Nouvelle-France.  

Les Hurtubise, faisant parti de ce flux, se tournèrent vers cette pratique. De 1699 à 1800, ils cultivaient de l’avoine, des pois, blé et orge. Ils possédaient également des animaux, bien que ceux-ci consistaient à des fins purement domestiques. Ils possédaient neuf porcs, quatre chevaux, onze vaches et trois taureaux, et c’est avec leur culture d’avoine qu’ils parvenaient à les nourrir. Leur terrain cultivable était de 3 par 29 arpents (un arpent équivalent à 192 pieds), et leur production comprenait 38 minots de blé, 42 minots d’avoine, 15 minots de pois et un arpent de tabac à usage personnel à partir de 1798. Durant cette époque, les principaux cultivateurs furent Louis Hurtubise (1699-1703), Jean Hurtubise (1724-1766) et enfin Pierre-Jérémie Hurtubise (1766-1792). Comme dans toutes les familles fermières québécoises, la succession des terres se faisait de père en fils. Grâce à l’emplacement de leurs terres en montagne, l’eau descendait et traversaient leurs terres naturellement, favorisant des conditions idéales et minimisant les pertes de récoltes.  

Après 1793, les colons anglophones s’installèrent à leur tour autour de la Nouvelle France, introduisant ainsi la culture de la pomme de terre. Malgré cela, l’agriculture resta la principale activité des colons francophones. 

Au début du 19e siècle, le Québec fit face à des difficultés agricoles, une période surnommée La crise agricole du 19e siècle. Selon les thèses historiques, cette crise fut causée par une baisse de la production de blé en Bas-Canada, permettant au Haut-Canada de prospérer dans ce domaine. Les colons français, principalement issus de milieux ruraux, manquaient de connaissances en techniques agricoles modernes, ce qui entraina une baisse de la production et un appauvrissement dramatique des paysans, qui se tournèrent vers l’agriculture de subsistances.  

C’est à cette époque que l’on observe le premier changement dans l’agriculture des Hurtubise ; l’incorporation d’agriculture maraîchère. Selon des relevés de 1861, la surface cultivable comprenait alors 32 arpents de culture de champs, 8 arpents pour le pâturage, 3 arpents pour le verger et 2 arpents boisés, soit 45 arpents au total. Leur production, quand a-t-elle, était de 30 minots de blé, 30 minots d’orge, 25 minots de pois, 100 d’avoine, 600 minots de pomme de terre, 100 minots de carotte, 3 tonnes de foin et 300 minots de beurre. Les Hurtubise possédaient toujours des animaux : six vaches, dont trois vaches à lait, cinq chevaux et quatre porcs. Les cultivateurs à cette époque furent Pierre-Jérémie fils Hurtubise (1798-1829) et Antoine-Isaïe Hurtubise (1829-1878).  

Ces changements, survenus pendant cette crise agricole au Québec, suggèrent que malgré la fertilité et le bon emplacement de leurs terres, les Hurtubise ont dû s’adapter. L’incorporation de nouvelles cultures, bien que non-nécessaire dans leur cas, prévoyait un besoin de subsistance en raison du déclin économique au Québec. Il n’existe malgré tout aucune trace dans nos archives aujourd’hui d’un déclin de richesse chez les Hurtubise durant cette période, suggérant qu’ils furent chanceux comparé au reste du Québec.  

Bien que nous n’ayons pas de traces précises du quotidien de la famille à cette époque, nous pouvons tout de même imaginer une journée typique à la Maison Hurtubise. La journée commençait tôt, les hommes s’occupant des vaches à traire et des œufs des poules. La matinée était consacrée aux cultures maraichères, avec l’entretien et la récolte des fruits et légumes. Le reste de la journée était dédiée aux champs, où il fallait planter, semer et récolter les cultures céréalières. Pendant ce temps-là, les femmes et les enfants restaient ensemble dans la pièce principale de la maison, préparant des repas copieux afin de nourrir toute la famille, tout particulièrement les hommes qui nécessitait énormément énergie. 

La crise agricole, due au déclin du blé, obligea de nombreuses familles fermières à changer leurs pratiques. Bien que l’agriculture fût toujours présente au Québec, celle-ci n’était plus aussi prospère que dans le reste du Canada. Vers la fin des années 1800, le Bas-Canada, ou Québec, se tourna vers l’industrie laitière afin de subvenir à ses besoins. 

À cette époque, la sixième et dernière génération Hurtubise habite Westmount. Cette génération abandonna complétement l’agriculture afin de se tourner vers des études, comme le docteur Léopold Hurtubise, dernier propriétaire de la maison. Des relevés de 1873 montrent que, après la vente de 9,4 hectares par Antoine-Isaïe, les 7,1 hectares restants furent utilisés afin de cultiver de la camomille, des concombres, du lierre, de la ciboulette, des pommes de terre, des poireaux, du navet, des oignons, du lin, des fraises, du thym, des radis, des capucines, des betteraves, des panais, de la moutarde, du maïs, des citrouilles et des pois. Les animaux restants étaient une vache, 24 poules, 3 canards et 4 chevaux utilisés pour les déplacements en calèche. Isaïe Hurtubise, fils d’Antoine Isaïe, fut le dernier cultivateur, de 1878 à 1893. Les récoltes restantes servaient à subvenir uniquement aux besoins de la famille et n’avait donc aucunes finalités financières.  

Aujourd’hui, seule la Maison Hurtubise et ses archives témoigne de l’existence de cette famille et de leur quotidien en tant que fermiers. Malgré tout, un jardin commémoratif fut construit sur place afin de retracer et représenter à plus petite échelle les anciennes terres de la famille Hurtubise.  

Références : 

Dick, L., & Taylor, J. (2024). Histoire de l’agriculture jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Dans l’Encyclopédie Canadienne. Repéré à https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/histoire-de-lagriculture

Lavertue, R. (1984). L’histoire de l’agriculture québécoise au XIXe siècle : une schématisation des faits et des interprétations. Cahiers de géographie du Québec, 28(73-74), 275–287. https://doi.org/10.7202/021660ar