Écrit par Julie Jacques
Que payerais-vous pour un melon?
Malgré la hausse du coût de la commande d’épicerie que nous vivons actuellement, il est difficile de s’imaginer qu’en 1905, un type de melon qui était cultivé à Montréal se vendrait jusqu’à l’équivalent de 35$ par tranche dans les grands hôtels de Chicago, New York, et Boston.1 En effet, ce melon, parfois surnommé le Montreal muskmelon ou le Montreal nutmeg, existait vraiment. Il était vendu à prix d’or!
Quand j’entends cette histoire, je ne peux penser qu’à une chose : gouter à ce melon! Malheureusement pour nous, le fruit a été victime du temps. Il semble avoir été cultivé dès la fin des années 1800s et sa disparition constatée vers les années 1950.2 Sa nature capricieuse, l’appel des melons qu’ils étaient plus facile à cultiver et l’urbanisation de l’arrondissement de Westmount ont tout contribué à la disparition de ce melon dit suprême.
Selon un tel agriculteur Ken Taylor, le melon montréalais demandait une manière délicate pour éviter les fissures et la pourriture. Il exigeait un arrosage attentif, de la ventilation, des retournements et même un léger soulèvement du sol avec une roche plate ou bien un bardeau.3 De plus, le fruit avait besoin de fertilisation abondante, ce qui était facile à trouver pour les fermes sur l’ouest du Mont Royal étant donné que, dit Ken Taylor, elles étaient entourées de pistes de course à chevaux.4
Les fermes Décarie et Gorman étaient reconnu comme les principales cultivateur du melon. Cependant, il est possible de s’imaginer que la dernière génération d’agriculteur Hurtubise aurait aussi pu cultiver le melon. En effet, les fermes Hurtubise et Décarie étaient tout près une de l’autre, presque voisins! Isaïe Hurtubise a cultivé sa terre jusqu’aux années 1890. Pendant son temps, la ferme a fini son passage de la culture céréalières aux cultures maraîchères. Le fameux melon, qui est pensé avoir apparu à Montréal dans les environs de 1870, aurait pu faire partie des récoltes Hurtubise pour plusieurs années avant la mort d’Isaïe en 1893.5
Le destin qu’a subi le melon n’est pas unique. Quarante ans plus tôt, la 6e génération des Hurtubise, les héritiers d’Isaïe, font eux-mêmes face à la montée de la classe moyenne et des métiers professionnels, et ainsi qu’au développement résidentiel à Westmount. Les héritiers d’Isaïe n’étaient pas en mesure de continuer à cultiver la terre des Hurtubise. Les temps avaient changé : ce qui restait des terres agricoles de la ferme a été divisé en 100 lots, vendus pour devenir les terrains résidentiels que nous connaissons autour de la rue Victoria, depuis le Chemin de la Côte-St-Antoine jusqu’au Mont Summit.6
La ferme Décarie subira le même sort, et commencera à se diviser dans les années 1920.7 On peut s’imaginer que la terre qui n’est pas vendue est obligée de se concentrer sur des cultures moins exigeantes que le melon montréalais, ce qui peut aussi avoir contribué au déclin du fruit.
Plusieurs agriculteurs et universitaires travaillent aujourd’hui pour trouver et faire germer des semences du melon de Montréal, car ils croient que l’agriculture est un élément important pour comprendre le patrimoine d’un lieu.8 De même, nous pensons que pour bien comprendre l’histoire des Hurtubise, il est important de se resituer dans le contexte agricole de l’époque. Ainsi, aujourd’hui, à la Maison Hurtubise, nous avons des potagers surélevés pour rappeler cette tradition.9 Nous pouvons même dire que notre petit jardin urbain fait lui-même partie du patrimoine culturel de Montréal, de Westmount et des Hurtubise.
- Daphné Cameron, « Le mystère du melon de Montréal enfin résolu? » La Presse, 8 juin 2024.
Tori Marlan, « This Melon Used to Sell for $24 a Slice. Should it Make a Comeback? » Buzzfeed News, 3 janvier 2016. ↩︎ - Daphné Cameron, « Le mystère du melon de Montréal enfin résolu? » La Presse, 8 juin 2024.
Fabien Deglise, “Le melon de montréal ne fait plus le poids,” Le Devoir, 11 octobre 2006.
Sophie Lachapelle, “Un melon mythique!” L’actualité.com, 22 avril 2013.
Clémence Ménard, “Vers un possible retour du melon de Montréal?” Ville en vert, 1 septembre 2021. ↩︎ - Tori Marlan, « This Melon Used to Sell for $24 a Slice. Should it Make a Comeback? » Buzzfeed News, 3 janvier 2016. ↩︎
- Tori Marlan, « This Melon Used to Sell for $24 a Slice. Should it Make a Comeback? » Buzzfeed News, 3 janvier 2016. ↩︎
- Tori Marlan, « This Melon Used to Sell for $24 a Slice. Should it Make a Comeback? » Buzzfeed News, 3 January 2016.
« L’histoire du melon de montréal, » Quelle histoire!, accédé le 17 juin 2024. ↩︎ - Alan M. Stewart et Léon Robichaud. « Étude patrimoniale de la maison des Hurtubise : Rapport présenté au Ministère de la Culture et des Communications et à l’Institut d’histoire de l’Amérique française, » mai 2001. ↩︎
- Daphné Cameron, « Le mystère du melon de Montréal enfin résolu? » La Presse, 8 juin 2024.
Clémence Ménard, « Vers un possible retour du melon de Montréal? » Ville en vert, 1 septembre 2021. ↩︎ - Daphné Cameron, « Le mystère du melon de Montréal enfin résolu? » La Presse, 8 juin 2024. ↩︎
- « Le projet ‘agriculturel’ de la maison Hurtubise. » hcq-chq.org
https://hcq-chq.org/le-projet-agriculturel-de-la-maison-hurtubise/ ↩︎